Chauffer en soi le fond
Un récent commentaire sur mon article "Courir libre" m'a surpris. Je pensais jusqu'à présent que les mots "péché" et "pénitence" rebutaient à cause du sens doloriste que la religion leur avait donné et je m'efforçais de lutter contre leurs interprétations "morales", "autoflagellantes" et "punitives" en mettant en avant la vie, l'action et la joie de se changer (de se créer bon, patient aimant, ....). Mais j'entrevois aujourd'hui la possibilité que ces mots ("péché" et "pénitence", pardonnez mes redites) peuvent ne plus avoir de sens du tout, que la réalité à laquelle ils renvoient est en passe de devenir "étrangère" à un peuple qui en a pourtant été nourri pendant deux millénaires.
Cela me laisse songeur. Car somme toute, cela confirme que la religion n'a pas laissé grand chose derrière elle en dépit des fantastiques moyens dont elle a disposé pour promouvoir sinon imposer sa doctrine, et je ne sais si je dois m'en rejouir ou m'en alarmer.
Je me réjouis de ce que la route est enfin libre pour redonner à ces mots leur vrai sens existentiel, dynamique. Au passage, j'en déduis aussi la religion a fini par mourir de ses mensonges et de son inertie, et que concernant l'homme, seul vaut ce qu'il choisit, décide, et crée de lui-meme, par lui même. Formulation un peu redondante, j'en conviens, mais qui n'a d'autre but que d'insister sur l'importance de la conscience et de la liberté dans une démarche spirituelle. La religion est morte d'avoir étouffé la liberté humaine.
Mais si de nos jours, les esprits ne s'attachent plus au religieux, sont-il pour autant attirés par le spirituel ? Sont ils disposés à s'embarquer d'eux même dans une aventure, une recherche, un travail, une création, une Vie totalement différente de celle (exclusivement matérialiste) qui prévaut aujourd'hui ? La religion en dépit de tous les maux qu'elle a engendré sur cette terre, donnait quand même quelques repères aux hommes, à commencer par des repères moraux du Bien (c'est mieux que rien) et l'idée d'un Dieu, d'une transcendance, d'une verticalité... bref, d'une notion qui élargit l'horizon. Quel monde vont engendrer des hommes qui ne croient plus en rien et qui n'ont du Bien qu'une vision relative et limitée aux jouissances de la chair ? Ce n'est pas du tout le cas de la personne qui m'a fait part de son commentaire et qui a indirectement suscité cette réflexion (son blog témoigne au contraire d'une réelle sensibilité au spirituel). Mais quand j'allume ma télé, que j'ouvre mon journal ou que je descends dans la rue pour interpeller les passants, combien de fois je vois, j'entends, je ressens le froid et la tristesse d'un monde qui est devenu morne comme un cimetiere, ignorant voire insensible et indifférent à toute évocation du spirituel ? Trop souvent.
Alors je comprends. Je comprends l'urgence d'un véritable changement de fond qu'aucune réforme ou révolution, aucun pouvoir, dogme ou loi ne peut entreprendre à la place de l'homme. Grande leçon de l'échec des religions (qui ne tardera pas à se révéler massivement aussi pour le politique, l'économique et le scientifique, autres faux-dieux sans chaleur, ni lumière). L'individu prévaut sur tout système. L'homme est le coeur de cette terre. Et comment pourrait il changer cette terre, en faire un monde de bonheur, sans changer librement son propre coeur ?
L'homme doit se résoudre à descendre EN lui-même, de lui-même, avec force et courage, comme dans une mine pour se fouiller et en faire jaillir la Vie, la Force, la Bonté, la Paix, la Douceur... L'or, le cuivre, le plomb, tout ce que nous voyons avec nos yeux de chair à la surface du globe sont comme un miroir des immenses richesses et possibilités qui gisent dans notre intérieur. La pénitence est ce travail, ce labeur pour creuser notre propre terre, notre matière humaine, en extraire sa richesse spirituelle. La vie spirituelle n'advient pas dans la contemplation mystique ou dans l'évasion des paradis articifiels (immenses leurres modernes qui consolent de l'abscence de spirituel). La vie spirituelle est vie avant tout, et comme toute vie, elle est faite de prises de risque, de difficultés et de bonheurs, de déceptions et d'erreurs mais aussi de joies, de victoires, de chaleur. La vie spirituelle que l'on reveille et fait grandir en soi est comme un feu. Elle se partage. Je n'extrais pas force, bonté, douceur de moi-même, uniquement pour moi-même, mais avant tout pour donner aux autres chaleur et lumière. L'AMOUR est au coeur de la vie spirituelle. Sa raison d'être.
Saisissez-vous mieux désormais ce qu'est la pénitence ?